– construction européenne 19: Maastricht

Le traité de Maastricht, la partie continue.

« Maastricht » est l’un des évènements les plus importants du demi-siècle. Le point d’ancrage de 12 pays dans une communauté où ils sont désormais contraints d’agir ensemble dans les domaines les plus importants de l’activité politique. Et cela est irréversible.»

Ainsi s’exprime le président français François Mitterrand à son retour de la capitale du Limbourg Néerlandais où les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté se sont réunis à la mi-décembre 1991. Quel est l’enjeu du Conseil Européen de Maastricht? Parvenir à un accord sur la double négociation de «l’Union économique et monétaire».

– Pour ce qui est de «l’Union monétaire», les avantages du marché unique ne seront pas complets sans l’élimination définitive d’un problème permanent: l’incertitude sur les taux de change. Pour cela un groupe de travail des gouverneurs des banques centrales est constitué, sous la présidence de Jacques Delors, et travaille sans relâche depuis la ratification de l’accord unique européen.

– Pour ce qui est de «l’union politique», avec la chute du Mur de Berlin, la réunification très rapide de l’Allemagne a conduit le chancelier Helmut Kohl à proposer une initiative franco-allemande qui prouverait que la construction européenne sera une priorité pour l’Allemagne unifiée comme elle l’était avant.

Ainsi, l’Allemagne, la France, l’Espagne, le Bénélux, l’Italie, la Grèce, le Portugal, proclament leur engagement en faveur d’une évolution fédérale de la communauté, bien décidés à faire céder la Grande-Bretagne, le Danemark et l’Irlande, hostiles à tout nouveau transfert de souveraineté.

Les hostilités sont ouvertes le 10 décembre, quant à midi, le premier ministre britannique John Major affirme s’opposer à toute charte sociale européenne.

De son côté, le président français annonce qu’il ne signera en aucun cas un texte dépourvu d’engagement sur la politique sociale.

Le premier ministre britannique réplique qu’il ne bradera pas, par des engagements inconsidérés, l’investissement et la capacité d’exportation des entreprises.

Selon les règles de la négociation classique, il faut donc contourner l’objet du litige.

Les Français et les Allemands font une petite concession en acceptant d’effacer la référence au fédéralisme européen au profit d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples d’Europe.

Les Anglais acceptent la politique de la «défense commune» et l’allusion à «l’Union de l’Europe Occidentale», donnant ainsi à penser qu’ils renoncent à l’atlantisme stricte de la diplomatie britannique.

En échange de cette avancée inattendue, Français et Allemands acceptent d’exempter les Britanniques des contraintes de «l’union monétaire» et de «la politique sociale». Un bon moyen pour attirer les investisseurs étrangers désireux d’échapper aux contraintes bureaucratiques imposées par l’administration communautaire de Bruxelles.

Une négociation est réussie quant aucun des participants n’y a perdu la face.

«Vous connaissez ma propre conviction. L’Union Européenne représente, à mes yeux, un immense projet bien des plus ambitieux que nous ayons connus. Nous avons réuni de grandes, de vieilles nations qui se sont longtemps combattues jusqu’au jour où elles ont compris qu’elles sacrifiaient, en vain, leurs enfants et donc leurs espoirs. Elle rend toute guerre impossible entre ceux qui la constituent. Comment ne pas songer à cela, au moment où se réveillent à l’Est de l’Europe, tant de rivalités sanglantes, de haines ancestrales, d’un côté l’Europe qui s’unit, de l’autre celle qui se déchire dans d’atroces convictions. On comprend pourquoi partout sur notre continent, il n’est pas de peuple qui ne rêve de nous rejoindre et d’appartenir, le plus tôt possible, à notre communauté.»

Mais cet accord réalisé à Maastricht, simple formalité en apparence pour «le conseil européen», va encore créer un véritable séisme comparable à celui qui a accompagné la grande querelle autour de «la communauté de la défense», quelques quarante ans plutôt.

«L’heure n’a jamais été plus propice, ni plus pressante pour l’inauguration d’une oeuvre constructive en Europe. Le règlement des principaux problèmes, matériel et moraux, consécutifs à la dernière guerre aura bientôt libéré l’Europe nouvelle de ce qui revêt le plus lourdement sa psychologie autant que son économie. Elle apparaît, dès maintenant, disponible pour un effort positif et qui répond à un ordre nouveau. Heure décisive où l’Europe attentive peut disposer elle-même de son propre destin. S’unir pour vivre et prospérer. Telle est la stricte nécessité devant laquelle se trouve désormais, les nations d’Europe.» Alexis Léger, mémorandum sur l’organisation d’un régime d’union européenne, 1930.

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