Elite Academy, enquête sur la France malade de ses grandes écoles

Pour le journaliste, cette forme d’uniformité de l’élite constitue l’une des causes majeures des blocages d’un pays qui s’enfonce dans la crise, le chômage – il dépasse les 10% – et les déficits. Peter Gumbel critique en particulier les méthodes d’enseignement et les dégâts qu’elles provoquent, avant et après l’entrée dans les hautes écoles. Un enseignement traditionnel, très académique, un savoir dispensé d’en haut que les élèves, puis les étudiants, notent consciencieusement, des méthodes autoritaires, «une culture éducative fondée sur la soumission, parfois même l’humiliation». Contrairement à l’exemple américain, qu’il aime citer, l’auteur constate qu’en France, «le renforcement positif, les encouragements, les félicitations n’existent guère à l’école. Cela crée démotivation et découragement, un stress très élevé, la peur de faire des erreurs et un manque de confiance en eux des enfants et l’on retrouve les mêmes phénomènes dans le monde du travail.»

viaElite Academy, enquête sur la France malade de ses grandes écoles.

Elite Academy, enquête sur la France malade de ses grandes écoles

Elite Academy, enquête sur la France malade de ses grandes écoles.

Pour le journaliste, cette forme d’uniformité de l’élite constitue l’une des causes majeures des blocages d’un pays qui s’enfonce dans la crise, le chômage – il dépasse les 10% – et les déficits. Peter Gumbel critique en particulier les méthodes d’enseignement et les dégâts qu’elles provoquent, avant et après l’entrée dans les hautes écoles. Un enseignement traditionnel, très académique, un savoir dispensé d’en haut que les élèves, puis les étudiants, notent consciencieusement, des méthodes autoritaires, «une culture éducative fondée sur la soumission, parfois même l’humiliation». Contrairement à l’exemple américain, qu’il aime citer, l’auteur constate qu’en France, «le renforcement positif, les encouragements, les félicitations n’existent guère à l’école. Cela crée démotivation et découragement, un stress très élevé, la peur de faire des erreurs et un manque de confiance en eux des enfants et l’on retrouve les mêmes phénomènes dans le monde du travail.»

Pot pourri à la FIFA

– WEB 2.0 – 4 et fin

Bloc-Notes de Bertrand Duperrin

Posté par Ayla Roble


Réflexions sur l’entreprise, le management, la collaboration et les réseaux sociaux. 4 et fin

Vers l’entreprise 2.0


On peut d’ailleurs trouver paradoxal qu’alors qu’une des conditions de succès d’une communauté soit la barrière à l’entrée on mette ses espoirs dans quelque chose qui permettrait d’abaisser les dites barrières.

La vérité est qu’avec l’espoir de créer des communautés simplement en un clic on a voulu créer des communautés d’un genre nouveau : en plus des communautés de pratiques et d”intérêt on voit donc émerger des communautés d’un genre nouveau et qui n’ont pas encore de nom…car en général ne correspondant à rien. Ou en tout cas à rien de communautaire.

Mintzberg nous disait, il y a peu, que beaucoup des maux des entreprises dans l’entreprise. Poussé par le discours des éditeurs qui ont sauté sur l’occasion, l’entreprise a donc voulu s’imaginer en tant que communauté et donner à tout groupe humain le nom de communauté en espérant faire émerger des valeurs et comportement nouveaux.

Mais les faits sont là : à part les entreprises ayant le bon ADN, il ne suffit pas d’appeler tout et n’importe quoi communauté pour changer les valeurs et les comportements. Appelons un chat un chat : nombre de groupes affublés du nom de communauté sont des équipes, des groupes de travail…ou des chimères. Donnons leur leur vrai nom et manageons les comme tels, on aura davantage de chance d’en tirer quelque chose.

Et gardons le nom de communautés pour les groupes qui le méritent vraiment et sont manageables en tant que tels.

Au fait ? Le web 2.0 a-t-il tué les communautés ? Non, au contraire, il leur a donné une vitalité supplémentaire. Par contre il a donné une telle illusion de facilité qu’il a entrainé les entreprises sur de nombreuses fausses pistes.

En fait une communauté est quelque chose qui fonctionne plutôt bien…tant que l’entreprise n’essaie pas de s’en occuper. Les vrais experts en communautés qui n’ont pas attendu le web 2.0 pour s’y intéresser doivent parfois se dire que le sujet a été bien dévoyé ces derniers temps.

– WEB 2.0 – 3

Bloc-Notes de Bertrand Duperrin

Posté par Ayla Roble


Réflexions sur l’entreprise, le management, la collaboration et les réseaux sociaux. 3

Vers l’entreprise 2.0


Lorsqu’on parle de communauté en entreprise en pense d’abord aux communautés de pratiques. Ensuite ont émergé les communautés d’intérêt. Un point commun, comme dit ci-dessus : on en connait les leviers et on sait historiquement que ce sont des choses difficiles à mettre en place de manière institutionnelles dans l’entreprise.

Aujourd’hui les entreprises ont l’impression que tout peut être transformé en communauté en un clic a tel point qu’on voit désormais le nom de communauté accolé à des groupes humains qui ressemblent à tout sauf à des communautés. Pas étonnant donc que ces groupes que l’on entend gérer comme des communautés fonctionnent si mal, si peu et que le résultat soit soit parfois si devant au regard des efforts obtenus.

Mais quelles en sont les raisons ?

Au départ il y a le fameux web 2.0 et sa dimension communautaire. Car, reconnaissons le, le web est vraiment communautaire et pour cause : il propose à la fois les outils permettant aux personnes désireuses de s’investir sur un sujet, de trouver leur pairs puis d’organiser leurs échanges.

Ajoutons à cela la masse critique d’utilisateurs du web (comparé au nombre de salariés d’une entreprise) et on comprend pourquoi le web est en quelque sorte devenu le paradis de la communauté.

Les choses se sont compliquées lorsque l’entreprise s’est intéressée au phénomène, que ce soit en interne ou en externe.

En externe parce que les marchands du temple leur ont dit que leurs clients et prospects étaient des communautés, chose qui peut s’avérer vraie mais qui est souvent discutable.

Ensuite on leur a dit qu’elles pouvaient créer des communautés ex-nihilo, en oubliant une donnée fondamentale : le web a hébergé et supporté des communautés mais l’envie communautaire existait la plupart du temps dans l’esprit de leurs membres. Le web n’a donc pas créé de communautés, il les a accueilli. On ne crée pas de communautés, on stimule le sentiment communautaire et c’est une nuance de taille.

En interne ensuite. Peinant à monter des communautés de pratiques (dont on sait que par définition c’est une tâche très difficile), on leur a dit qu’en utilisant les mêmes outils que sur le web elles auraient le même résultat.

Là encore c’est une terrible méprise. A la fois pour les raisons liées à la nécessité qu’une envie communautaire pré-existe chez les salariés et ensuite parce que le contexte même de l’entreprise (fiche de poste et évaluation) rend sa concrétisation difficile. L’entreprise a donc été dans une certaine mesure trompée par le discours des éditeurs qui leur promettaient de “créer des communautés en un clic”.

Ce que le logiciel permet de créer c’est des espaces communautaires, pas des communautés. Il ne permet en aucun cas de s’affranchir des conditions, connues de longue date, de succès d’une communauté de pratiques en entreprise mais rend les choses infiniment plus simples une fois qu’elles sont remplies.

– WEB 2.0 – 2

Bloc-Notes de Bertrand Duperrin

Posté par Ayla Roble


Réflexions sur l’entreprise, le management, la collaboration et les réseaux sociaux. 2

Vers l’entreprise 2.0


Une communauté nécessite un centre d’intérêt, un but commun, et la volonté d’interagir ensemble. A priori il suffit d’identifier les “personnes qui” et leur donner les moyens d’exister et échanger en tant que communauté.

Reconnaissons que parfois cela fonctionne (dès que les moyens, outils, permettant à la communauté d’exister et vivre en tant que telle sont disponibles, elle se trouve et se structure spontanément) parfois non (la communauté existe dans l’esprit mais refuse de le faire dans les faits).

C’est en général du à deux facteurs : le manque de confiance vis à vis de l’entreprise (ou voit même ces communautés vivre hors de l’organisation de l’entreprise et refuser de devenir institutionnelles) ou des problématiques managériales (donner à la communauté est-ce travailler ou est-ce du temps perdu voire de l’information volée ?).

On peut créer des communautés ex-nihilo mais il faut d’abord sensibiliser pour que l’intérêt naisse, ensuite que l’envie de “faire ensemble” émerge, Alors seulement il sera tant d’outiller les choses. Là encore avant de créer et manager la communauté il faut surtout créer les conditions qui permettront sa naissance.

En fait une communauté, à mon avis, ne se crée ni ne se manage. Les conditions de sa réussite oui. Ensuite on peut la modérer, la piloter, la faciliter, mais on ne lui fera jamais faire ce qu’elle ne veut pas faire.

Vous allez me dire que tout cela est évident et vous aurez raison. Les communautés ne sont pas un sujet récent, loin de là. On a toujours su qu’elles étaient difficiles à mettre en place, qu’il devait y avoir une barrière à l’entrée, qu’il fallait du temps pour que les choses se passent etc.

Une tâche ardue mais dont les principes avaient été clairement mis à jour par Etienne Wenger. Les choses étaient donc claires. Il me semble toutefois, que depuis quelques années, la “chose communautaire’ est devenue on ne peu plus confuse et “confusante” pour les entreprises, choses qui m’a été confirmée par des personnes effectuant en ce moment des recherches dans ce domaine.

En un mot : avant on savait où on allait même si c’était compliqué. Aujourd’hui on ne sait même plus où on va. Conséquence : les entreprises se perdent en chemin, s’investissent, sont déçues. Une raison à cela : personne ne sait plus ce qu’est une communauté.

– WEB 2.0 – 1

Bloc-Notes de Bertrand Duperrin

Posté par Ayla Roble


Réflexions sur l’entreprise, le management, la collaboration et les réseaux sociaux. 1

Vers l’entreprise 2.0


«Les entreprises les plus performantes sont celles qui pensent solidairement le changement technologique, le contenu du travail et le changement des rapports sociaux internes à l’entreprise» Antoine Riboud.

Par Bertrand DUPERRIN, le 15 Novembre, 2010

Résumé : les communautés sont le grand sujet à la mode dans les entreprises. Pourtant il n’a rien de neuf. La facilité avec lequel les communautés se forment et vivent spontanément sur internet ont amené les entreprises à se dire qu’elles pouvaient répliquer la chose avec leurs salariés et leurs clients…avec des succès relativement mitigés.

L’illusion, savamment entretenue, selon laquelle l’outil crée la communauté alors qu’il ne crée que les conditions de son hébergement et les discours marketing selon lesquels tout doit être communautaire en ce début de siècle ont eu raison d’années de travail et de réflexion sur le sujet, amenant l’entreprise dans de nombreuses impasses.

Il serait temps d’enfin appeler ces groupes ou espaces d’échanges par un autre nom et les gérer en tant que tels avant que la “folie du 2.0″ n’ait fini par transformer un concept noble en un buzzword décrédibilisé.

Quand on me demande “comment créer et animer des communautés dans et hors de mon entreprise” j’ai toujours envie de répondre une chose :

Il y a les communautés qui existent et n’ont pas besoin de vous et celles qui n’existent pas et ne valent pas que vous gaspilliez votre énergie à les faire vivre”.

Bon c’est un peu réducteur et en plus c’est en partie faux.

– « La télé a cassé la politique » selon Michel Rocard

On m’a soufflé ce texte de l’ex-ministre Michel Rocard et je le poste-là, en attendant que je retrouve le lien.

FRANCE

Politique: « La télé a cassé la politique » selon Michel Rocard

Pour l’ex-Premier ministre, le petit écran appauvrit le débat public. Il explique à L’EXPRESS ce qu’il reproche aux médias et à la télévision en particulier.

Le couple politique-médias n’en finit plus de faire des étincelles. Quelle responsabilité porte la télévision dans la fracture qui se creuse aujourd’hui entre journalistes et responsables politiques, alors que, d’Arnaud Montebourg à Bernard Tapie, en passant par Jean-Luc Mélenchon, les critiques se multiplient?

Théoricien de la communication, l’Américain Neil Postman, qui dirigea le département culture et communication de l’université de New York, publiait en 1985 un ouvrage de référence – Se distraire à en mourir – dans lequel il se livrait à un réquisitoire en règle contre la télévision, accusée de formater la société et de décerveler les citoyens.

Edité en France pour la première fois (Ed. Nova), cet ouvrage contient une préface signée de Michel Rocard.

L’ex-Premier ministre y jette un regard cruel sur les médias en général et sur le petit écran en particulier, accusés, au nom du sensationnalisme et d’une approche exclusivement commerciale de l’information, de réduire le discours politique à sa plus simple expression. Pour l’Express, Michel Rocard va plus loin.

Neil Postman explique que le petit écran ne serait qu’une vaste entreprise de divertissement dans laquelle les politiques iraient se fourvoyer. Et vous ajoutez que la télévision « casse le travail des politiques ». En quoi ce média serait-il destructeur?

De beaucoup de manières. Les contraintes économiques de ce média qu’est la télévision – cet instrument devant lequel les Français campent en moyenne trois heures par jour, il faut le rappeler – sont telles que l’on ne peut pas y diffuser de l’explication, de l’analyse, de la statistique et du raisonnement à moyen ou long terme: considérant que c’est la condition absolue pour ne pas perdre d’audience, les professionnels de ce secteur ont choisi de privilégier le spectacle et l’affectif au détriment du fond.

Amplification de l’effet d’annonce, raccourcis de l’information, diffusion de toute décision sans mise en perspective ni rappel du contexte: le petit écran a entériné la disparition du temps long.

Pas seulement à l’intérieur même des journaux d’information, de 13 heures ou de 20 heures, mais sur l’ensemble des grilles de programmes des chaînes.

Je ne me souviens pas d’avoir vu jusqu’ici à la télévision la moindre attention portée sur un sujet qui aille au-delà de la prochaine échéance électorale!

Or, on le sait, en politique, tout ce que l’on met en chantier produit ses premiers effets au minimum dans les dix ans qui viennent, et en tous les cas pas avant les deux ou trois ans qui suivent la mise en place de ladite mesure.

Cette disparition du long terme à la télévision est d’autant plus terrible qu’intervient le regard enfantin: les journaux d’information induisent les questions que les plus jeunes, dont le regard sur la société est formaté par le petit écran, sont amenés à poser à l’école.

La télévision souffre d’un autre mal profond, dites-vous, le refus de la complexité.

Dès que vous avez un entrelacs d’arguments ou de faits rassemblés pour comprendre un événement ou une simple information qui nécessiterait un début d’explication, c’est impossible: les acteurs de la télévision vous affirment qu’un tel exercice d’approfondissement suppose une attention toute particulière qu’aucun téléspectateur n’est en mesure, selon eux, de soutenir.

Faire court est devenu la règle

Au motif que nous formerions une nation inepte et incapable de réflexion? C’est consternant. Elle est loin, l’époque où le fondateur du Temps donnait pour seule consigne à ses journalistes: « Faites emmerdant! »

J’ajoute à cela – c’est mon dernier point – que ce refus de la complexité, que cette schématisation à l’extrême de l’information mènent inévitablement à un appauvrissement de la langue, qui perd de ses nuances et de sa richesse.

Les journalistes vont au plus parlant, avec un vocabulaire réduit au strict minimum: faire court est devenu la règle. Je me souviens d’avoir rencontré un jour une journaliste d’une grande radio qui m’avait donné une minute trente chrono pour développer ce qu’elle appelait mon « projet de société« : j’avais ostensiblement tourné les talons…

Ce vocabulaire minimaliste, les politiques l’ont également adopté?

Oui, et par la faute de journalistes, qui ont bouleversé tous les codes de notre métier: la politique dans les médias n’y est plus traitée que sous la forme du combat permanent que se livrent les ambitions conflictuelles.

La pente est générale: on charge sur les individus, on personnalise le discours et on oublie les institutions. Jamais vous ne verrez une chaîne reprendre la déclaration d’un parti politique, elle préférera un bout de commentaire ou la petite phrase de tel ou tel responsable de parti, même de second plan.

La vie politique se résume pour la télévision et la presse à une joute de gladiateurs

Si bien que la vie politique dans notre pays se résume pour la télévision et la presse à une joute de gladiateurs. Tout cela oblige les responsables de parti à se référer exclusivement à la compétition permanente qui les oppose et que mettent en exergue les chaînes, avec une gourmandise coupable.

La politique est devenue ainsi l’un des piliers de l’entertainment, un spectacle qui voit des responsables de premier plan condamnés à jouer de leur charisme ou à donner aux médias un peu de leur vie privée, quand ils devraient se borner à expliquer aux Français pourquoi nous sommes en pleine crise financière.

Même la presse écrite, qui aurait pu se distinguer et prendre le contre-pied de la télévision, joue à fond la personnalisation au détriment des idées.

Souvenons-nous de l’homme de presse américain William Randolph Hearst, qui, dans les années 1920, en réponse à l’un de ses reporters envoyé à La Havane et se plaignant de n’avoir rien à se mettre sous la dent – ni histoires ni conflits, se lamentait-il – lui avait adressé ce message, par télex: « Vous ordonne de rester. Fournissez les récits, je fournirai la guerre. » Cette phrase mémorable sonna le début du décrochage de la presse écrite vers le règne de la marchandise et de la vente à tout prix. Quatre-vingt-dix ans plus tard, rien n’a changé, tout a empiré.

Mais, si le discours politique vous semble galvaudé, c’est d’abord parce que les politiques ont capitulé en acceptant de se caricaturer à coups de formules réductrices. De celles qui font le « buzz« , comme on dit…

Naturellement. Seulement, le choix qui leur est offert est mince: ou bien ils acceptent d’en passer par les fourches Caudines et les règles de la télévision, ou bien ils disparaissent!

Ce système a été poussé si loin qu’il n’y a même plus de débat interne au sein de nos partis politiques. Tout est sur la place publique, tout n’est plus que spectacle.

Tout est sur la place publique, tout n’est plus que spectacle.

Nous sommes devenus le tiers obligé d’une profession qui dicte ses règles. Je me souviens que, licencié de mes fonctions de Premier ministre le 15 mai 1991, j’avais entendu un matin Jacques Chirac expliquer sur les antennes que Michel Rocard avait « vidé les caisses de l’Etat« .

Mon sang n’avait fait qu’un tour et dans la foulée j’avais reçu, cela n’étonnera personne, une quarantaine de demandes d’interview. Terrorisée, mon assistante m’avait dit, « Monsieur, qu’est-ce qu’on fait? » Je lui avais fait répondre: « J’irai partout à la condition que la direction de la chaîne ou du journal en question accepte de donner les chiffres exacts du déficit public« , tels qu’ils étaient alors publiés au Journal officiel, chiffres qui montraient que j’avais à l’époque réduit ce fameux déficit de 45 milliards de francs. Aucun média n’a accepté de publier mon bilan.

Péché par omission, paresse collective?

Non, pur réflexe marchand. L’argument de vente étant le conflit, la publication de ces chiffres réduisait à néant ma confrontation avec Chirac et n’avait du coup plus d’intérêt pour des médias qui ne peuvent vendre que du drame.

Voyant que personne ne prenait à bras-le-corps un sujet qui devenait à leurs yeux ennuyeux à en mourir, je me suis retiré sur mes terres et n’ai jamais apporté le moindre démenti aux allégations de Jacques Chirac!

« Faire emmerdant« , dites-vous. En faisant du Rocard toute votre vie, au risque d’en être parfois inaudible, n’avez-vous pas compromis votre parcours politique?

L’inverse aurait été pour moi un pari intenable. Or, ce que vous évoquez ne m’a jamais empêché de rester le chouchou des sondages.

Mon degré d’exigence a toujours été tel que jamais je n’aurais accepté d’entrer dans un jeu qui participe de la nocivité de la télévision et de dérives que je dénonçais déjà dans un livre intitulé Le Coeur à l’ouvrage, qui date de 1987!

Vous dites regretter la confrontation entre journalistes et politiques. Lesquels n’ont jamais ménagé la presse, de François Mitterrand à Nicolas Sarkozy.

Ce sont des comportements auxquels je n’ai jamais adhéré, car naïfs et inefficaces, mais de défense.

Historiquement la presse a gagné sa respectabilité et sa place en se confrontant avec le pouvoir et personne, à droite comme à gauche, ne se risquerait à revenir en arrière sur sa liberté.

Chaque fois qu’un nouveau média est apparu, les politiques ont toujours tenté de le contrôler

Résultat, la suspicion entre ces deux corps est générale: chaque fois qu’un nouveau média est apparu, les politiques ont toujours tenté de le contrôler.

Mon rêve serait un pacte professionnel qui verrait journalistes et politiques s’engager sur quelques règles allant du respect de la vérité des faits à l’exigence de la complexité.

L’Etat ne peut pas mener cette réflexion, sauf à rouvrir un front avec votre profession. Quant aux patrons de média, animés par le spectaculaire, ils restent guidés par des objectifs de rentabilité, d’audience et de vente au numéro. C’est donc l’impasse.

Arnaud Montebourg s’est livré à une charge violente contre TF1, accusée de dispenser une idéologie ultra-conservatrice. A-t-il raison?

Montebourg se trompe de discours. L’idée que TF1 soit partiale, si c’est le cas, est parfaitement secondaire par rapport au fait que cette chaîne peut se révéler complice d’une détérioration de la capacité de penser de la société en n’expliquant pas les choses doctement.

Tout média qui respecterait les exigences de l’intelligence et de l’information, même si c’est au nom d’une vision de droite, favoriserait le civisme et la participation politique. Or, réduire cette question à quelques mots chocs qui font échos dans les médias ne fait guère avancer le débat.

mercredi 20 octobre 2010

Source: L’express

– histoire de la TV – fin – C.Nick 5: FIN

Christophe Nick et son documentaire 5 et FIN:

«Le temps de cerveau disponible»


 

Un petit extrait du texte d’Aristote sur la poétique, chapitre 14, relatif à la terreur et à la pitié, sous-titré: «Nos émotions doivent naître de la terreur et de la pitié, doivent naître la composition même de la fable plutôt que du spectacle.»

L’extrait: « On peut produire le terrible et le pitoyable par le spectacle, ou le tirer du fond même de l’action. Cette seconde manière est préférable à la première et marque plus de génie dans le poète. Car il faut que la fable soit tellement composée, qu’en fermant les yeux et à en juger seulement par l’oreille, on frissonne, on soit attendri à ce qui se fait. Mais ce qui par le spectacle produit l’effrayant au lieu du terrible ne sont plus dans le genre, car la tragédie ne doit point donner toutes sortes d’émotions, mais celle-là, seulement, qui eût son propre.»

Aristote déjà, dans le domaine de la tragédie qui est tout autre, s’interroge, réfléchit sur ce phénomène et la catharsis. Pour lui, ce n’est pas très clair. Les spectateurs des tragédies prennent plaisir à voir des scènes qui leur seraient insoutenables dans la vie quotidienne, et c’est peut-être grâce à l’esthétisation du spectacle que les sentiments peuvent surgir et peut-être se purifier.

On est là, dans une histoire bien plus ancienne que celle de la télévision. Mais on est pas avec les mêmes concepts. On dit un peu la même chose quand il oppose l’effrayant et le terrible. Le terrible est dans le domaine de l’émotion, et l’émotion, c’est quelque chose que nous ressentons, qui modifie notre état. Une émotion amoureuse va nous amener à avoir des stratégie de séduction et que peut-être d’envisager le futur dans une sublimation avec un couple, des enfants, etc…

Quand on est dans le domaine de la pulsion, comme celui de l’effrayant, on est pas dans une émotion. On est pas dans la sublimation. On est au contraire, dans l’automatique, que ce soit une pulsion de vie ou une pulsion de mort. C’est toute la différence quand on parle d’amour et de porno, entre un sentiment et une image de pénétration qui, comme dit B.Stiegler dans le film,fait automatiquement «bander les mecs». Donc utiliser la pulsion en terme de spectacle. C’est extrêmement dangereux!

La pulsion doit se contrôler!

La pulsion, c’est quelque chose que toute civilisation tente de contrôler et l’homme s’est construit là-dessus. On l’a en nous. Celui qui ne contrôle pas ses pulsions, selon Freud, est fou. Celui qui exprime ses pulsions est pervers.

Donc il faut les contrôler et c’est tout le travail éducatif depuis la nuit des temps, depuis qu’on enterre les premiers hommes. Chaque civilisation a créé des systèmes pour contrôler les pulsions, que ce soit la justice, l’empire, l’armée, la religion, la politique, l’éducation, tout ça fait partie de la tentative des hommes pour contrôler leurs pulsions. Et si il y a pas de contrôle de pulsions, c’est la guerre civile, c’est le meurtre, voilà. C’est : «Je ne t’aime pas, je te tue!»

Actuellement, ce qui est terrifiant c’est qu’on est dans une société où on est au centre par le créateur de tout ça, de par la télé qui en est le coeur, le moteur. Et la pulsion y est maintenant stimulée, mise en avant. Elle est recherchée!

Quand vous créez des systèmes d’enfermement pendant plusieurs semaines d’ individus X ou Y, et que chaque semaine on en élimine un, on attend de la violence, de la sexualité et du passage à l’acte. C’est-à-dire que la promesse faite aux téléspectateurs, c’est : «Vous allez voir de la pulsion s’exprimer. Attention, c’est chaud, c’est bon,vous allez aimer ça!»

Vous donnez de la pulsion à consommer et tout le monde tombe dedans. Même si on se dit: «Mais c’est horrible! Mais jusqu’où ils vont! Mais on va regarder pour savoir jusqu’où ils vont!» Parce que c’est cela, le principe de départ. C’est de laisser des gens s’exhiber et du coup, le téléspectateur devient voyeur.

Et l’exhibition comme le voyeurisme sont les deux éléments fondamentaux des pulsions.

A partir de là, vous créez!

Tous ces épisodes sur la télévision sont tirées de l’émission «Histoire Vivante», diffusée sur les ondes de la RSR la 1ère et des autres médias de la SSR.

– histoire de la TV – fin – C.Nick 4

Christophe Nick et son documentaire 4:

«Le temps de cerveau disponible»


 

Bernard Stiegler a aussi été le patron de l’IRCAM et il a fondé une association internationale pour une politique industrielle des technologies de l’esprit: «Ars Industrialis».

On peut y trouver un certain nombre de conférences, dont une portait sur: «Socrate et les Hackers». Et «Ars Industrialis» est un endroit où on pense machine, à son utilisation, au rapport du temps qu’elle suppose ou qu’elle déduit pour l’humain.

Pour B.Stiegler, il n’y a pas du tout de doute. Il y a un phénomène d’effondrement non pas de la sensiblerie, mais de sensibilité humaine. Et pour B.Stiegler, cela ne touche pas seulement le phénomène télé, cela porte sur un processus plus général laissé justement pour penser, pour réfléchir à l’instrumentalisation, à la «technologisation» de notre environnement. L’humain, au fond, se vide de sa substance.

La rencontre entre B.Stiegler et C.Nick s’est faite lors d’un thème qui leur était cher. C.Nick ne savait pas que B.Stiegler travaillait sur le même sujet.

Mais c’est au cours des mécanismes de la pulsion, C.Nick avait été frappé, quand il écrivait livre sur TF1, par une phrase hallucinante d’Etienne Mougeotte qui venait de lancer sur ce qu’on appelait des reality-shows.

En 1991, lors des émissions: «Temoin n°1», «Perdus de vue» etc.., E.Mougeotte a été interviewé à Cannes et quand on lui demande pourquoi il fait ça sur TF1, il répond: «Il faut satisfaire les pulsions sécuritaires des Français!» Cette phrase était politiquement énorme, parce qu’elle ressemble beaucoup au président actuel français, mais surtout pour l’idée que des professionnels des médias se mettent à jouer avec les pulsions.

On est plus dans l’ordre de l’émotion ni de la raison, on est dans celui de la pulsion. Et la pulsion est quelque chose, lorsqu’on la met en scène, à la provoquer, à la stimuler, qui devient incroyablement dangereuse.

B.Stiegler, lui, développait depuis plusieurs années une analyse beaucoup plus vaste que cette simple réflexion.

Ils se sont rencontrés lors du précédent travail pour la mise en scène de «La mort du travail». Stiegler réfléchit à l’évolution du capitalisme et a une vision assez claire et frappante qui est: «Il y a eu l’époque du capitalisme industriel. On sort de celle du capitalisme financier triomphant pour entrer dans celui du capitalisme pulsionnel.» Et il explique que l’ensemble de la machine, dirigée par les hommes du marketing, cherche à atteindre nos désirs et à les exploiter pour vendre. C’est complètement pulsionnel et on rencontre ceci à tous les étages de la machine; que ce soit le comportement des traders en bourse qui est au millième de seconde, que ce soit dans la pub, dans la communication, dans tout.

Au coeur de ça, c’est la télé! La télé qui nous façonne et qui nous apprend à consommer. Tous ces programmes sont en fait des niches à publicités, des écrins pour que, sans qu’on s’en rende compte, on se mette à consommer telle ou telle chose.

C’est une vision très noire, mais c’est un mécanisme profond de notre société contemporaine. Cela permet de décrypter beaucoup de choses.